Sahli


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La Combinatoire
Poétique et Musicale
d’Abderrazak Sahli




« Il y a place dans l’errance pour des chevaux, qui
des pentes vers les cimes, bondissent ».
Mahmoud Darwich

La récente exposition d’Abderrazak Sahli au palais
Kheïrrédine à Tunis a démontré brillamment
dans la succession des amples salles parfaitement
mises en scène, à quel point sur plusieurs décennies,
la trajectoire artistique de l’artiste s’est perpétuellement
renouvelée, régénérée. Une grande
diversité de formes se déploie en effet à travers
les années avec un bonheur toujours rayonnant
et une maîtrise jamais prise en défaut.
C’est précisément cette souple virtuosité qui doit
être rapprochée à la fois des innombrables et
envoûtantes déclinaisons de l’abstraction stylistique
propre aux arts de l’islam, et à l’une des révolutions
esthétiques majeures engendrée en Russie
au début du XXème siècle par Kasimir Malevich.
Comme le remarque Matthew Drutt dans sa préface
de la dernière exposition monographique de
Malevich, « Les oeuvres de jeunesse A-logiques de
Malevich étaient des expérimentations de formes
visuelles qui avaient pour objet de dénoncer la façon
traditionnelle de peindre, d’inventer de nouvelles
relations ou associations dérivées de chocs
au hasard entre des images et des formes sans
liens préalables entre elles ».
Les années soixante-dix et quatre-vingt chez Sahli
portent encore la marque dans les peintures du
goût de l’analyse et de la critique vivaces en France
cinquante ans après Malevich : la couleur est
plane, le monochrome dépouillé n’est pas loin,
les repères construits sont rares, le contrepoint
de taches de couleurs vives sont comme des accidents
au service d’un univers minimaliste. Cette
exigence austère de la raréfaction du regard s’installe
également dans le grain et la grisaille des
photographies où ne subsiste que la priorité du
mouvement, la furtivité du regard comme une
anti-peinture rapide. Les gravures quant à elles
témoignent de l’enfouissement du travail d’un
raffinement sans limite où vibrent les traits multipliés
à l’infini de la plaque.
Selon les divers supports choisis, Sahli faisait déjà
jouer ses gammes avec une élégante aisance contre
l’enfermement dans des choix trop restreints de
supports et pour la prodigalité de compositions
baroques, ludiques où les jeux de la ligne et de
la couleur s’enrichissent toujours plus musicalement.
Comme Eugenio d’Ors grand historien des
formes le remarque : « …toute calligraphie baroque
tend à la musique ».
Comment ne pas savourer le vertige des variations
colorées, toujours renouvelées, toujours
chatoyantes des dernières grandes peintures sur toile
où surgissent d’incroyables aurores boréales
artificielles ? Oiseaux de paradis aux silhouettes
mutantes qui s’arrondissent dans les entrelacs
de motifs sans relâche multipliés, les supports
traditionnels sont débordés – sans être abandonnés
– au profit d’un éventail étonnant de papiers
découpés, de céramiques, de toiles libres, de
« sakhanes », de pantalons, de métal découpé où
l’appétit virtuose de Sahli brasse d’une trouvaille
à l’autre la plénitude du jeu et le plaisir visuel.
Comment ne pas rapprocher aussi cette profusion
visuelle, de la poésie concrète et lyrique ensemble
d’un Mahmoud Darwin, ou encore de la
poésie directe d’un William Carlos Williams ?

J’aime le caroubier
le blanc caroubier parfumé
Combien ?
Combien ?
Combien en coûte-t-il
d’aimer le caroubier
en fleur

Joël Savary
Attaché Culturel, Consulat Francais General, 2007


The Poetic and
Musical Combinatorial
of Abderrazak Sahli




“There is room in wandering for horses that
bounce from valley to summit.”
Mahmoud Darwich

Abderrazak Sahli’s recent exhibition at the
Kheïrrédine palace in Tunis brilliantly demonstrated
– in a succession of perfectly staged,
ample galleries – to what point, over several
decades, his artistic trajectory has perpetually
renewed and regenerated itself. Wielding both
radiant happiness and artistic mastery, the
artist has developed a great diversity of forms
over the years.
It is precisely this supple virtuosity that must
be reconciled with both the innumerable and
captivating declines of the stylistic abstraction
of the arts of Islam, and the major aesthetic
revolution prompted by Kasimir Malevich in
Russia at the beginning of the twentieth century.
As remarks Matthew Drutt in the preface of
the last monographic exhibition of Malevich’s
work, “The illogical works of Malevich’s youth,
experiments in visual forms, were an attempt to
denounce the traditional method of painting
and to invent new relationships or associations
derived from random collisions of images and
forms, without prior connections.”
During the seventies and eighties Sahli once
again carried in his paintings the mark of
the vivaciously critical and analytical taste in
France, fifty years after Malevich: color is
plain, bare monochrome is almost in sight,
constructed points of reference are rare, the
counterpoint of fields of lively color is as if an
accident in the service of a minimalist universe.
This austere demand for the rarefaction of
regard also implants itself in the grain and
greyness of his photographs of this period,
where only the priority of movement subsists:
the furtiveness of observation as a rapid antipainting.
The artist’s engravings attest to the
submersion of his work in a limitless refinement
where vibrate the infinitely multiplied strokes
of the plate.
According to the various artistic supports he
chooses, Sahli exercises his range with an elegant
ease. He counters the artistic imprisonment
of restrictive supports, invoking the extravagance
of playful, Baroque compositions,
where games of line and color manifest themselves
musically. As Eugenio d’Ors, the great
historian of forms, observes, “…all Baroque
calligraphy tends toward music.”
How could we not savor the vertigo of the
colored variations – always renewed, always
shimmering – of the recent large paintings on
canvas, where unbelievable artificial aurorae
borealis surge? Birds of paradise with mutant
silhouettes surround the interlacing motifs.
Traditional artistic supports spill over – without
being abandoned – gaining in the process an
amazing arrange of paper découpage, ceramics,
free canvases, sakhanes, trousers and metal
cut-outs. Here, Sahli’s virtuosic appetite mixes
with a plenitude of play and visual pleasure.
How can we not also make a connection
between such visual richness and lyrical
and concrete poetry, like that of Mahmoud
Darwin, or even the direct poetry of William
Carlos Williams?

I love the white locust tree
the sweet white locust
How much?
How much?
How much does it cost
to love the locust tree
in bloom

Joël Savary
Cultural Attaché, French Consulate General, 2007



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